Ayant épuisé les possibilités d’un rire, celles de l’érotisme
et du sacré chers aux sociologues, Bataille se retrouve en face de tourment
analogue à celui qu’ont connu Nietzsche, Jaspers et Heidegger : démuni. Egaré
entre le lourd silence de Dieu et l’ineffable nostalgie de son souvenir, il
survit vaille que vaille : « Il y a des hommes qu’on pourrait appeler
des survivants. Ils ont perdu de bonne heure un être cher, un père, un ami, une
maîtresse et leur vie n’est plus que le morne lendemain de cette mort. M.
Bataille survit à la mort de Dieu ». Un père, un ami, une maitresse :
pas de mère, donc. Comme pour perfectionner sa leçon de philosophie qui
confortera Bataille dans sa méfiance narquoise à l’égard des philosophes de
profession, le professeur conclut : « La critique littéraire trouve
ici ses limites. Le reste est affaire de psychanalyse » ! Et au cas
où l’on s’étonnerait, il croit bon d’ajouter : « Qu’on ne se
récrie pas : je ne pense pas ici aux méthodes grossières et suspectes de
Freud, d’Adler ou de Jung : il est d’autres psychanalyses »… C’est la
deuxième fois en quinze ans que Bataille (qui n’est pas encore Bataille, le
Bataille que nous connaissons) se fait expédier en consultation. La première
ordonnance était signée André Breton, pour psychasthénie, en 1929, dans le Second Manifeste du Surréalisme.
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